Quelques mots d’un camarade de l’Etat Français sur le PCMLM

Cet article a pour but d’apporter un point de vue de militant maoïste sur le PCMLM, maintenant appelé PCF(mlm). Le PCMLM se définit comme le parti d’avant-garde du prolétariat en France. Certaines personnes ont pu le connaître en tombant sur son site internet (appelé successivement contre-informations, voie lactée, les matérialistes…). Cet article s’adresse donc aux communistes sincères qui connaissent ces sites. Il s’agit d’une analyse personnelle et partielle, et en aucun cas de celle d’un parti ou d’une organisation. Lisant les publications de ces sites depuis presque une dizaine d’années, je vais me limiter à des constatations générales sur le PCMLM. Ici, pas de ragots, pas de faits personnels, de critiques individuelles ou d’infos croustillantes, désolé ; il ne s’agit pas d’un « piss contest » mais d’une réponse sur le fond à une option idéologique se revendiquant du maoïsme.

Tout d’abord, le débat entre communiste ne peut se faire qu’autour d’un ensemble de principes, d’un socle commun sur lequel travailler pour améliorer notre théorie commune par la pratique de la critique et de l’autocritique. Le marxisme étant une science, les faits sont vérifiés empiriquement, selon la formule pratique-théorie-pratique. Nous allons parler ici du maoïsme, nom générique de la théorie marxiste-léniniste-maoïste synthétisée après la mort de Mao, notamment par le Mouvement Révolutionnaire International dont le PCMLM se revendique également. Autant que possible, s’il se fait sans compromis, le débat entre communistes doit être bienveillant et honnête : il doit viser au niveau national comme international à développer et faire triompher une « ligne rouge ». Les communistes disent ce qu’ils pensent et font ce qu’ils disent.

C’est la première remarque que je ferai concernant le PCMLM. Fondamentalement, son propos est schizophrène. D’une part, il entend représenter une avant-garde synthétisant la science, stable, rigoureuse, scientifique. Mais d’un autre côté, tout son propos tourne autour de la foi : le PCMLM ne produit jamais d’autocritiques, il faudrait lui faire confiance aveuglément. Tous les changements qui surviennent chez lui (sur des analyses erronées ou remplacées, sur la forme prise par ses médias, ou même sur des fondamentaux comme son nom) ne sont pas expliqués, pas justifiés. Prenons un exemple : il y a quelques temps, le PCMLM avait annoncé une série de « ministères » qui prétendaient être les bases du futur gouvernement socialiste en France (rien de moins…). Ceux-ci ont disparu sans aucune explication. Idem pour ses sites et séries concernant l’astronomie, la robotique, le véganisme, etc, etc. Il s’agit finalement plus de modes durant quelques mois que d’un travail de fond, sérieux, correspondant à la mentalité et aux besoins de notre classe. Et une fois que ces modes sont passées, elles sont tout simplement oubliées, sans bilan, critiques ou conséquences ; Il s’agit d’un libéralisme intellectuel total.

Il est intéressant de noter que le PCMLM rage à longueur de temps contre les autres communistes, notamment ceux qu’il appelle « anarcho maoïstes » (une invention vide de sens : soit on est maoïste, soit on ne l’est pas), en leur reprochant une inconséquence, tout en soutenant lui-même tout et son contraire. Cela amène par exemple à des prédictions improbables (concernant une impossible élection de Sarkozy, l’arrivée dans l’année d’un front populaire allant jusqu’aux sociaux-libéraux, l’effondrement de telle ou telle organisation…) oubliées dès qu’elles ne se sont pas réalisées. Cette schizophrénie a connu des développements extrêmes : vision positive du monde de la teuf ensuite considéré comme décadent, défense de la révolte prolétaire de 2005 puis critique de tout soulèvement similaire, soutien puis rejet de l’autonomie prolétaire, intérêt pour la culture ouvrière du Nord puis rejet mêlé de mépris de classe sur le thème des « alcooliques », etc… Cette méthode n’est absolument pas marxiste.

Le PCMLM a de plus une ligne erronée concernant les autres organisations communistes. On n’est jamais mieux jugé que par ses pairs : les partis et organisations maoïstes dans le monde communiquent, notamment ceux menant des guerres populaires, et des communiqués et campagnes communs sont signés, débattus, relayés. Le PCMLM revendique un soutien de façade à la guerre populaire en Inde, par exemple : pourtant, il n’en parle jamais, n’informe pas sur ce mouvement pourtant central, et plus grave, refuse de relayer les campagnes de soutien à cette héroïque lutte. Aucun parti ou organisation d’importance n’accepte d’ailleurs d’entretenir de lien avec cette structure : il y a donc une arnaque dans la position du PCMLM, qui prétend appuyer des partis qui pourtant reconnaissent plutôt d’autres structures dans l’état français. Idem pour des combats historiques (libération de Georges Ibrahim Abdallah, par exemple) qui sont simplement niés.

De plus, le PCMLM a développé une véritable obsession concernant l’extrême gauche en France, mélangeant dans ses critiques groupes, courants et étiquettes pour apparaître comme le seul groupe pur, idéologiquement parfait, se situant au-dessus de la masse et distribuant les bons et les mauvais points. Il s’agit de métaphysique, pas de dialectique. Cette position révèle une véritable faiblesse en termes d’analyse et de pratique, et une stratégie malhonnête d’autopromotion coupée de toute base : la pratique de la lutte nous apprend au contraire à travailler avec d’autres structures et d’autres groupes politiques, à poser nos contradictions publiquement, devant les yeux des masses, dans la lutte. Le purisme sectaire n’existe que hors sol. Et faute d’arguments théoriques solides, les piques minables ne manquent pas : ainsi, tel groupe a été accusé d’avoir copié un visuel du site du PCMLM, tel parti canadien a été jugé révisionniste pour ne pas avoir parlé du massacre des phoques sur son site (on attend toujours l’article du PCMLM sur la culture des huitres ici).

Ensuite, son propos appuie une idéologie authentiquement bourgeoise concernant la France. La France, comme tout état impérialiste aujourd’hui, est traversée par des contradictions profondes entre classes, particulièrement entre le prolétariat et la bourgeoisie sous toutes ses formes. Celles-ci apparaissent avec beaucoup de forces dans le domaine de la culture. Il y a une culture prolétaire, et une culture bourgeoise. La culture prolétaire subie les contradictions propres au capitalisme, mais elle représente l’avenir, elle est porteuse de vie et d’espoir. Elle s’articule autour d’un quotidien que l’on aimerait enjoliver, de références communes, de valeurs partagées. Des éléments comme les sports populaires, la sociabilité de rue, dans la famille et au travail, sont extrêmement importants. En négatif, on retrouve les violences policières, les violences de race et de genre, l’exploitation et la précarité au quotidien, la routine, les paradis artificiels, la volonté de s’échapper. Tout cela se retrouve par exemple dans la culture rap. De tout cela, le PCMLM ne parle jamais, ou pour défendre la bourgeoisie (« la police ne torture pas, ne tabasse pas, ne tire pas : les violences se passent à la marge des normes »[1] ). Sa culture est absolument celle de la bourgeoise française : elle est formelle, et dans les faits, elle respecte les institutions, la légalité bourgeoise, les belles lettres, la musique classique, l’Histoire du roman national et le « culte du livre » que cible Mao. Elle parle du prolétariat comme quelque chose de lointain, qu’il faudrait éduquer, transformer, sans comprendre que les communistes doivent vivre dans les masses et apprendre d’elles, et non pas arriver comme des professeurs paternalistes. Qui peut sérieusement imaginer en 2017 qu’après une journée de taff quelqu’un ait envie de lire un article sur la physiocratie ou sur la symbiogénèse ?

Les masses s’intéressent aux sciences, mais rejettent naturellement ce genre de contenu qui ne peut intéresser (au mieux) que des gens ayant le temps et le capital culturel pour trouver un intérêt là-dedans. Le PCMLM sait qu’il ne s’adresse pas au prolétariat, et finit par lui en vouloir, par développer un réel mépris de classe. Il ne respecte pas sa culture, qui aurait tant à lui apprendre. Les articles se font de plus en plus extravagants, de plus en plus méprisants concernant la réalité de la vie des masses dans notre état (« Si les masses mangent au McDonald’s, ce n’est pas parce que ce n’est pas cher (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas), c’est par faiblesse d’esprit, par acceptation de l’idéologie capitaliste » «C’est le sens de la négation de la différence entre les hommes et des femmes, du relativisme systématique tolérant toutes les opinions, du refus de toute prise en compte des notions d’histoire et de progrès. » « La France est entrée dans une décadence généralisée, avec un nivellement par le bas qui devient de plus en plus fort. Le niveau éducatif et culturel s’effondre à grande vitesse »). Et, en retour, le propos est de plus en plus admiratif concernant la culture classique des élites.

Le PCMLM vit dans une tour d’ivoire, coupé des masses, et c’est pour cela qu’il peut se permettre de tout mélanger sans rien justifier. Sa méthode est caractérisée par le relativisme et le libéralisme, et ses positions par l’opportunisme. Cette position hypocrite est intolérable pour les communistes sincères.

Cette question de la culture prolétarienne a été l’objet d’un débat en URSS. Deux lignes se sont affrontées. La première était la ligne de Lénine (et de Bogdanov, de Lounatcharski…), qui défendait la nécessité de construire une culture prolétarienne. La seconde était celle de Trotsky, qui niait la spécificité d’une culture prolétarienne, et on connaît les conséquences logiques de la position trotskiste sur la culture, qui consiste à se mettre à la remorque de la bourgeoisie.

En conséquence, pour construire l’autonomie de classe, nous ne pouvons pas nous « approprier » de manière déclarative la culture bourgeoise, car c’est un ensemble cohérent construit sur des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Le capitalisme est une gigantesque machine à recycler et déformer la culture produite par les masses (l’exemple du mouvement hip hop par exemple). Croire que l’on peut se la réapproprier est contraire à la réalité matérielle du prolétariat aujourd’hui, qui n’a simplement pas accès à cette culturelle classique, formelle. Nous ne vivons pas dans une société socialiste ou n’importe quel prolétaire peut aller prendre des cours de violon, simplement parce que la réalité matérielle des conditions de vie l’empêche bien souvent. Idem pour l’éducation bourgeoise, qui est une machine à humilier les masses, qui leur fait intérioriser une position sociale inférieure. Comme dit plus haut, cela convient au PCMLM, qui tient des propos réactionnaires atroces concernant par exemple les réfugiés : « Si demain une démocratie populaire était établie en France, la « jungle » de Calais serait immédiatement démantelée. Les mafias seraient punies et pourchassées avec la plus grande fermeté (prison et peine de mort pour leurs dirigeants). Celles et ceux qui voudraient rester en France verraient leur situation étudiée avec la plus grande rigueur, selon des conditions très précises et très restrictives. Durant cet examen, ils n’auraient pas leur liberté de circulation. Les autres seraient expulsés vers leur pays d’origine. » Les articles publiés finissent par devenir ouvertement racistes et ethnocentrés : « c’est le cas en général en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, où le nationalisme et le patriarcat, les religions sont des valeurs quotidiennes. »

Sans culture prolétarienne comme contre-pouvoir, on perpétue ce sentiment d’infériorité, de mise à l’écart. Concrètement, si un groupe publie un article incompréhensible sur tel opéra classique plutôt que de parler de la musique populaire ou des problèmes de la vie quotidienne, les prolétaires ne vont pas se passionner pour l’opéra classique, ils vont simplement se sentir exclus et méprisés même par les personnes qui prétendent défendre leurs intérêts. Il y a beaucoup de choses à apprendre des mouvements communistes de masse du siècle passé et d’aujourd’hui sur le plan de la culture révolutionnaire.
Il faut prendre la réalité matérielle telle qu’elle est et pas telle qu’on voudrait qu’elle soit : tant que la bourgeoisie possède les moyens de production intellectuels, il nous faudra développer la culture combattive des masses, la culture prolétarienne, et rejeter celle produite par la bourgeoisie, porteuse de ses valeurs.

Enfin, le PCMLM n’est pas maoïste. Le maoïsme est un saut qualitatif par rapport au marxisme-léninisme. Sans entrer dans les détails, il se base sur des fondamentaux, tels que l’enquête dans les masses, la pratique de la critique et de l’autocritique, la construction de trois éléments (le parti, le front et la force combattante), et naturellement, une pratique de masse caractérisée par le slogan « servir le peuple ». Impossible de mener une révolution et à plus long terme de mettre fin à l’écocide capitaliste sans cela. Pour être reconnu comme une avant-garde, une force communiste se construit en effet en se salissant les mains, dans le feu de la lutte de classe, en servant le peuple et en étant reconnu par lui. Même Gonzalo, le dirigeant du PCP, donnait des interviews expliquant la pratique de son parti et ses actions alors qu’il vivait dans la clandestinité. Un prétendu parti qui ne parle pas de pratique n’est pas clandestin : il n’a simplement aucune pratique, et ne peut donc pas produire de théorie correcte.

Un parti maoïste ne peut pas non plus avoir comme seule pratique la publication d’articles, il ne peut se construire hors de la lutte des classes, sans lutte de ligne, sans construction d’organisations, sans présence au quotidien dans la vie des masses. Il ne s’agit sinon que d’une coquille vide. Et celle-ci, coupée des masses, en vient à soutenir des positions de plus en plus ouvertement réactionnaires : il faudrait applaudir les manifestations de la bourgeoisie impérialiste française, chasser les réfugiés, nier l’existence même des personnes trans, refuser toute autocritique et finalement mépriser la classe ouvrière dans sa réalité. Voilà le fond du discours du PCMLM aujourd’hui, et il ne s’agit pas de maoïsme, mais de l’opposé du maoïsme : suivant la loi de la dialectique, une chose finit par se transformer en son contraire.

« La politique est le point de départ de toute action pratique d’un parti révolutionnaire et se manifeste dans le développement et l’aboutissement des actions de ce parti. Toute action d’un parti révolutionnaire est l’application de sa politique. S’il n’applique pas une politique juste, il applique une politique erronée ; s’il n’applique pas consciemment une politique, il l’applique aveuglément. Ce que nous appelons expérience, c’est le processus d’application d’une politique et son aboutissement. C’est par la pratique du peuple seulement, c’est-à-dire par l’expérience, que nous pouvons vérifier si une politique est juste ou erronée, et déterminer dans quelle mesure elle est juste ou erronée. Mais la pratique des hommes, spécialement la pratique d’un parti révolutionnaire et des masses révolutionnaires, se rattache nécessairement à une politique ou à une autre. Par conséquent, avant de mener une action, nous devons expliquer clairement aux membres du Parti et aux masses la politique que nous avons formulée à la lumière des circonstances. Sinon, les membres du Parti et les masses s’écarteront de la direction politique donnée par notre Parti, agiront à l’aveuglette et appliqueront une politique erronée. » – Mao Zedong

Notes

[1] « Cela ne signifie bien sûr pas qu’il n’y a pas de la casse, avec un prix humain certain, comme Malik Oussekine ou Rémi Fraysse, mort il y a deux ans. Toutefois, la police ne torture pas, ne tabasse pas, ne tire pas : les violences se passent à la marge des normes. » – http://lesmaterialistes.com/propos-mouvement-policiers-role-police

Ce document à d’abord était écrit par un camarade en français, puis augmenté pour une traduction en anglais sur le site Redspark.